En cette journée du 26 janvier 1943 les bombardements n’en finissaient pas. Devant ce déferlement de bombes sur la région et sur Caudan, la mère supérieure du pensionnat, Mère Amandine Joseph, était fort soucieuse : « et si une bombe tombait sur l’école ? ». Cette journée du 26 janvier fut un déclencheur, il n’était plus possible de rester, il fallait partir, mais où ?…

Dès le lendemain, le 27 au matin « on prépara les malles en vitesse, même le linge en lessive fut mis dans les malles… » ; un premier petit groupe se dirigea vers le Finistère (l’endroit n’est pas précisé, d’anciennes élèves pourraient peut-être nous l’indiquer ?...  Landerneau ?...) sous la conduite de Sœur Chyprien  (originaire de cette ville) et de Mademoiselle Kervéadou ; un deuxième groupe, plus important, se rendit en gare d’Hennebont, des voitures de paysans furent mises à leur disposition car les Allemands se réservaient les cars ; on imagine tout ce monde arrivant en gare… « Les employés s’affolent et ne veulent pas enregistrer les bagages ; qu’à cela ne tienne, nos sœurs s’improvisent « employé de la SNCF », enregistrent les malles et les paquets ; quand le train arrive (avec deux heures de retard, comme il était courant à cette époque) tout était prêt ». Le train était déjà archibondé, et seule la moitié des élèves put prendre place (le reste partit le soir) ; mais le train n’alla pas plus loin qu’Auray ! Et tout ce monde dut passer la nuit dans une chapelle transformée en centre d’accueil.

Les jours qui suivent se ressemblent. Le 29 janvier une bombe tombe près de la mairie, le dépôt de munitions de Lann-Guerbic explose… les sœurs ne regrettent pas le départ des pensionnaires ; les religieuses de La Gacilly leur proposent un refuge, mais les Allemands arrivent et réquisitionnent les lieux ; finalement c’est au Gorvello en Theix, que « 19 élèves, 3 maîtresses et Françoise Lucas, notre servante si dévouée, trouvons asile dans une maison mise à notre disposition par une assistante sociale, nous nous installons de notre mieux » et les cours peuvent  se dérouler dans de bonnes conditions à en juger d’après les résultats du brevet qui furent un  succès complet ! Il fallait rattraper les cours perdus et les classes continuent jusqu’à la mi-juillet…

Les pensionnairesEn cet été 1943, une colonie de vacances fut organisée pour le « Gorvello » et une quarantaine d’enfants devait partir le 2 août, mais par suite d’un déraillement de train à Hennebont, ils durent faire demi-tour et ne partir que le lendemain avec les moyens du bord pour quand même arriver à minuit…

L’année scolaire 1943-1944 reprend le 18 octobre et l’école n’assure donc que l’externat avec 2 classes dans l’ancien « couvent » et une autre… dans la cuisine du presbytère ! Les bureaux des mairies de Lanester et de Keryado en occupaient déjà une partie et notre recteur, l’abbé Le Bayon, n’avait en tout et pour tout que sa chambre à coucher ; lui aussi fit preuve d’un grand courage durant cette période. Il avait 80 ans, aussi le vicaire général lui proposa un poste d’aumônier à Vannes, mais il ne voulut pas quitter ses paroissiens qu’il assistait de son mieux.

Le danger était permanent, le presbytère menaçait de tomber en ruine en raison des obus ; aussi (cf. les archives paroissiales) « le recteur de Notre-Dame du Pont ne pouvait, humainement parlant, laisser dans un pareil danger un vieillard d’un si grand âge. Il se résigna donc  à offrir à l’abbé Le Bayon de veiller sur ses ouailles pendant qu’il se mettrait à l’abri dans sa famille à Auray ». Il finit par accepter et, par décision de Monseigneur Bellec, l’abbé Vincent Jeffredo «  recteur de Notre-Dame auxiliatrice du Pont Kerentrech à Lanester a été nommé administrateur de la paroisse de Caudan en novembre 1944 ».

En avril 1944, les Allemands quittent l’école Saint Joseph. L’organisation « Totd » avait fait construire trois baraques dans le bois, ainsi qu’un abri bétonné à l’intérieur du bois ; cet abri d’une centaine de mètres de long et d’une vingtaine de mètres de profondeur pouvait loger des centaines de personnes : « grâce à lui nous serons protégés, à l’arrivée des Américains, des bombardements et de l’incendie du bourg ».

Juin 1944 : les alliés débarquent  en Normandie ; les Allemands reviennent camper dans l’école ; « ils remplissent notre cour et les champs de Félix Bouric ; ils vont rester 5 à 6 semaines. Le Commandant fut très bon pour nous, il nous faisait parvenir du pain et des pâtes ; aussi, grâce à cela, nous avons pu soulager plusieurs détresses  car il n’y avait plus d’approvisionnement !... la misère était partout »…